- TOHIRAVINA -

Recueil des travaux de recherche d'étudiants de la faculté des sciences de l'Université d'Antananarivo




ANDIE
Présentation du projet

A Madagascar, la place de l’Eucalyptus dans le paysage de l’île est unique au monde pour différentes raisons :

- Depuis son introduction, les populations rurales se sont appropriées cette espèce et ont favorisé son extension. Cette dynamique de plantations paysannes spontanées sur plus d’un siècle constitue un phénomène remarquable qui ne se rencontre pas ailleurs en Afrique à une échelle comparable (Montagne et al. 2009). Cette dynamique de reboisement ne s’arrête pas (FAO 2010) et en 2013 les populations rurales continuent de planter l’Eucalyptus. Ce rythme d’accroissement des superficies associées aux données de Randrianjafy (1999) permet d’estimer en 2013 les reboisements villageois avec l’Eucalyptus robusta à 225000 hectares, ce qui représente plus de la moitié des peuplements artificiels à Madagascar.

- L’Eucalyptus a été planté avec succès sur les Hautes Terres Centrales dans des conditions écologiques très éloignées de celles rencontrées dans son aire naturelle. Ce genre présente donc une plasticité remarquable d’adaptation à d’autres conditions écologiques.

- Avec une croissance rapide, les eucalyptus permettent de substituer les bois de forêt naturelle dans la satisfaction en bois énergie des populations malgaches. Avec près de 22 millions d’habitants en 2012 (http://hdrstats.undp.org/fr/tableaux/), dont 1/3 de la population est urbaine, Madagascar fait partie des pays les plus pauvres au monde. L’accroissement moyen annuel de la population entre 2000 et 2012 a été de 3%. Le pays ne possède pas de réserve énergétique fossile et compte tenu de la misère, la hausse des prix des énergies fossiles doit être comprise comme une condamnation des populations urbaines et rurales à rester durablement et majoritairement consommatrice de bois énergie (Montagne et al. 2009).

- Les changements globaux sont aujourd’hui une réalité à Madagascar et font peser de très lourdes menaces sur l’avenir des peuplements en Eucalyptus. Les modèles développés prévoient en effet une augmentation de la variabilité de la précipitation, entraînant une augmentation de l’intensité des inondations et des sécheresses, ainsi qu’une augmentation de la fréquence et de l’intensité des cyclones (World Bank 2013). Des changements biotiques et notamment des attaques massives de psylles sont observées sur Eucalyptus camaldulensis une espèce plantée dans des zones plus sèches de Madagascar. Mais l’impact le plus fort concerne le changement du mode de gestion du taillis par les populations rurales. Depuis plus d’un siècle, l’Eucalyptus robusta est traité en taillis. Mais depuis une dizaine d’années, la demande en bois énergie explose et suit le rythme d’accroissement de la démographie et des populations urbaines. Malgré la législation en vigueur qui prévoit une exploitation du taillis tous les 6 ans, la misère associée à la demande du marché pousse les populations rurales à exploiter le taillis tous les deux ans et parfois même un peu plus rapidement encore. En 2013, il n’existe plus de vieux taillis autour de la capitale Antananarivo.

Un atelier international intitulé « L’eucalyptus une essence majeure pour le reboisement à Madagascar » a été organisé les 18 et 19 juin 2013 à l’Université d’Ankatso à Antananarivo (Madagascar). Il a regroupé 70 participants du monde de la recherche et du développement. Les groupes de travail organisés autour des questions d’écologie, d’énergie, de ressources génétiques, de changements globaux ont fait ressortir les acquis et les problématiques à aborder.

Les présentations ont montré l’importance de comprendre et quantifier la relation sol-plante pour aboutir à une gestion rationnelle des plantations d’eucalyptus. Il a également été montré que les eucalyptus peuvent être utilisés pour catalyser la régénération des plantes autochtones. Les changements globaux sont maintenant une réalité à Madagascar. La hausse de la température depuis 1950 est démontrée ainsi que la perturbation des précipitations sur toute l’île. La résilience des plantations d’eucalyptus risque d’être perturbée car de nombreuses espèces présentent une marge de distribution très étroite en fonction de la température. Les sources de graines locales sont toujours utilisées pour étendre les reboisements, mais les arbres sont tous fortement apparentés, ce qui explique en partie la faible vigueur des arbres en plantation. Les propriétés technologiques des eucalyptus sont très satisfaisantes et permettent une valorisation sous forme de bois d’œuvre. De nouvelles techniques de carbonisation permettent une augmentation rentable du rendement des meules. Les plantations en eucalyptus permettent un développement socio-économique des régions isolées et notamment l’électrification de villages par des chaudières et des moteurs à vapeur.

Pour l’avenir il est recommandé́ de passer de la monoculture d’eucalyptus aux systèmes mixtes associant des légumineuses pour améliorer la fertilité des sols et la production des peuplements, et de mieux comprendre le mode de fonctionnement des arbres et de l’écosystème «plantations d’eucalyptus ». Les changements globaux nécessiteront une diversification des espèces à utiliser en reboisement. Il sera donc nécessaire de mieux évaluer et comprendre les déterminants de la croissance des arbres, de la résistance aux parasites, de l’évolution de la fertilité des sols, des propriétés physico- chimiques du bois et des interactions génotype x environnement. Le centre pilote de recherche d’électrification rurale peut servir à développer les recherches sur les impacts socio-économiques et environnementaux et sur la mise en application des politiques et réglementation sur le reboisement et le foncier.